top of page
lamadeleinecelsa

Le futur de la littérature : discussion à l’occasion du lancement de la Lettre Zola


Les représentants des groupes de presse Usbek et Rica et Cafeyn ainsi que le directeur éditorial de Robert Laffont se sont réunis ce mercredi 8 novembre autour d’une table ronde au sein du groupe CREATIS sur le futur de la littérature organisée par le média littéraire naissant: la  Lettre Zola et animée par le journaliste littéraire Léonard Desbrières. Un échange sur un sujet pour le moins complexe et vaste auquel la Madeleine s’est empressée d’assister pour vous en faire le compte rendu.


Plusieurs problématiques intéressantes ont été abordées : La littérature survivra-t-elle aux réseaux sociaux, à la hausse du prix du papier et au digital ? Sous quelle forme ? Comment donner envie aux jeunes de s’y intéresser ? L’intelligence artificielle écrira-t-elle un jour des romans ?


Nous vous proposons donc un résumé de ce qui a été dit et discuté sur ces thématiques.



La littérature et les jeunes : la littérature a-t-elle perdu un public ? 

Il est courant d’entendre que les jeunes ne lisent plus, que la littérature va disparaître car il n’y aura plus de public, que nous sommes dans une ère où l’objet livre n’a plus sa place. Mais qu’en est-il vraiment ? Cette panique est-elle fondée? 


Savoir ce qu’en pensent les éditeurs et les groupes de presse semble donc crucial pour tenter d’y voir plus clair. Gabriel Zafrani, le directeur de Robert Laffont, affirme que la période du Covid a entraîné un regain d’intérêt pour la lecture et donc qu’il n’est pas si simple de prédire l’avenir de la littérature chez les jeunes car nous ne sommes pas à l’abri de ce genre de situations. Cependant, il avance aussi que selon Olivier Donnat, les jeunes lisent de moins en moins et que les pratiques culturelles se déterminent entre 14 et 18 ans. Ce constat semble un petit peu radical… Cela serait-il vraiment “foutu” pour les jeunes qui s’y mettraient plus tard ? Bon, cette étude est à prendre pour ce qu’elle est : elle tente de dessiner une moyenne qui peut paraître grossière. Reste qu’il est vrai qu’aujourd’hui l’objet livre n’est plus l’objet de transgression qu’il pouvait être autrefois car ce sont les médias qui en sont chargés. Il semble donc être davantage un objet de distinction ou un objet qui “fait

peur” d’après Blaise Mao d’Usbek et Rica. Tout l'enjeu aujourd’hui est donc de casser cette image de la littérature et redonner le goût de la lecture aux jeunes sans les forcer à lire tel ou tel ouvrage. Blaise Mao prend l’exemple des Nouvelles lettres persanes publiées par Usbek et Rica qui permettent de lire autrement les Lettres persanes de Montesquieu. 


“L’époque n’est plus aux visions globales univoques et excluantes. Le futur est un joyeux bordel. Et pour l’appréhender, il nous faut bâtir des œuvres collectives qui juxtaposent les regards, les imaginaires et les opinions.” peut-on lire sur le site d’Usbek et Rica à propos de la sortie de cet ouvrage (1)


La façon dont on enseigne la littérature aujourd’hui dégoute de celle-ci car il s’agit de devoir finir un livre pour faire une fiche de lecture, d’apprendre par cœur des passages pour les recracher, de connaître un maximum d’ouvrages classiques etc. Il propose donc de réconcilier les jeunes avec la lecture par les échanges. Cela peut paraître anodin mais conseiller un livre, participer à un atelier/ club de lecture peut (re)donner le goût de la lecture. Cela d’autant plus que les jeunes, pour beaucoup, cherchent une proximité avec les auteurs. Gabriel Zafrani insiste sur ce point car il assiste au quotidien à l’expression de ce besoin de proximité de la part des jeunes générations, ce qui explique le retour de la figure du libraire mais aussi de la place de la librairie en elle-même ou de la médiathèque comme espace de proximité voire d’intimité avec l’auteur. 



La position et le statut de l’écrivain : la fin du grand romancier


Poser la question du futur de la littérature invite inévitablement à se demander ce que deviennent ses auteurs. Blaise Mao d’Usbek et Rica est le premier à s’exprimer sur cette problématique. Son média s’est d’ailleurs déjà penché sur le sujet dans un article (2) publié

en septembre 2019 intitulé « Portrait-robot de l’écrivain du futur ». Blaise Mao évoque ainsi la fin de la figure du grand romancier inspiré et détaché de la masse telle que nous la connaissons. En effet, l’auteur de demain doit être expert en communication et en marketing, en bref rester en phase avec son époque. Il ne peut être inconscient des enjeux promotionnels de la littérature, de la digitalisation de l’objet-livre, de l’importance des réseaux sociaux, finalement de tout ce qui dépasse la définition même de sa profession.

Selon Julia Aymé de Cafeyn, l’évolution de la proximité entre un auteur et ses lecteurs est aussi un enjeu crucial. La presse comme l’édition font face à une demande de plus en plus accrue d’un rapprochement entre les écrivains et leur lectorat et d’une pratique de la recommandation par les libraires. C’est dans cette logique que le média Cafeyn s’efforce de proposer du contenu “en libre circulation” en s’inspirant du format playlist.


De son côté, Gabriel Zafrani de Robert Laffont est plus perplexe. Les métiers du livre ne

sont pas directement liés à ce phénomène de « marketisation », tout simplement car les lecteurs ne sont pas dupes. L’écrivain fabriquant sa propre image est tout de suite repéré par une réception habituée aux réseaux sociaux. Cependant, il souligne un autre aspect important de la question : comment le monde éditorial repérera-t-il les talents de demain ? Avec la montée de l’autoédition et des nouvelles plateformes d’écriture type Wattpad, les textes sont de plus en plus pré-validés par une communauté à laquelle l’éditeur doit faire face.



L’enjeu de l’intelligence artificielle : la littérature en danger ?


La fin de la table ronde a tourné autour de la grande question de l’IA et de son impact sur le futur de la littérature. Du point de vue de la presse, Blaise Mao et Julia Aymé ont insisté sur la nécessité d’un cadre juridique précis afin de protéger l’information, l’IA ne nourrissant de tous les supports et donc des possibles « fake-news ». Le média Usbek et Rica a d’ailleurs établi une charte éthique autour de son utilisation et de sa portée, précisant qu’elle doit rester un outil de recherche journalistique et ne pas dépasser cet usage. Julia Aymé a ajouté à ce propos que l’IA, dénuée d’intentionnalité, ne pourrait pas remplacer la patte d’un auteur. Ce à quoi Blaise Mao a réagi en affirmant que la plupart de nos émotions étaient anticipables et que dans cette logique, l’IA pourrait faire croire à l’intentionnalité dans un futur proche.


Du point de vue de l’édition, Gabriel Zafrani a évoqué l’enjeu à venir de l’authenticité d’un manuscrit et de la capacité des éditeurs à la distinguer d’une simple génération de texte. L’IA représente aussi une problématique future pour les traducteurs (qui sont eux-mêmes des auteurs), le danger étant de trop se reposer sur cet outil qui ne peut saisir tout ce qui va au-delà de la langue elle-même, comme la culture ou, encore une fois, l’intentionnalité de l’auteur. Le dernier enjeu, et peut-être le plus important, est celui de la gratification monétaire. En effet, qui paye-t-on pour son travail d’écriture lorsqu’une IA est en jeu ? Le droit d’auteur, comme les questions de traduction et d’authenticité seront sûrement selon Gabriel Zafrani les éléments déterminants de la littérature du futur.



Marie-Sarah Quemere et Amandine Haskell






36 vues0 commentaire

Comments


bottom of page