Pour clôturer cette première année, la Madeleine s'est associée à l'association de photographie du Celsa "Le Studio" à travers un projet étudiant collaboratif mêlant "objectif" et "plume". À l'initiative du projet, la volonté de faire dialoguer images et textes a réuni les deux associations, qui ont mobilisé ensemble pas moins de 28 participants.
Regroupés par binômes,14 auteurs et 14 photographes se sont vus attribués des consignes bien précises. À chacun, l'indication a été donnée d'écrire un texte ou de prendre une photo en lien avec une thématique donnée liée au thème général de "l'Amour". Un choix qui symbolise bien cette union entre l'appareil et le crayon, unissant photographes et écrivains tel Cupidon plantant sa flèche dans les cœurs de deux âmes sœurs. Les artistes ont composés individuellement leurs œuvres, ignorant tout de la réalisation de leur partenaire de projet. La révélation des pairs s'est fait au cours d'un vernissage qui s'est déroulé au 6 boulevard d'Indochine à la librairie-café Hello (75019) le vendredi 23 juin. Afin de découvrir ou de redécouvrir l'exposition, on vous partage ici toutes les œuvres du projet !
Gorge nouée - Anaëlle & Maruschka
Je crois que je suis amoureuse d’un fantôme. De cette moitié de mon âme qui est à l’autre bout de la terre. Cette moitié dont j’ai un peu oublié la voix, mais qui ne cesse de me parler, de me séduire et de m’aimer dans mes rêves. Cette moitié dont les éclats, les échos de rire ne cessent de me charmer dans une autre dimension. Une moitié que je cherche depuis qu’on s’est scindées. Tel un simulacre, je crois la retrouver dans ceux et celles qui sembleraient avoir un ascendant ou une lune en Poissons. Les sensibles, les intuitifs, les shapeshifters...
À chaque rencontre, se manifeste ainsi cette quête constante de ma moitié perdue. À force de chercher, je finis par me perdre dans ce cimetière, habité de figures sépulcrales qui ne sont pas mon fantôme. Lui, a des yeux tendres et profonds. Mais quand on se retrouve enfin, il m’implore d’arrêter de le hanter. Une épiphanie presqu’asphyxiante ; je nie le deuil de ce premier amour comme une lancinante boule au fond de la gorge qu’on lutte pour ne pas avaler.
L'amour le matin - Eliott & Hugo
Sur l’oreiller, elle m’a encore parlé de ce que j’ai dit dans mon sommeil, comme si elle passait ses foutues nuits à jouer les matonnes. Elle ne dort jamais, elle somnole parfois, en espérant que je me réveille, priant ma compagnie. Elle veut bavarder au coin d’un feu qu’elle imagine, pour qu’un peu je la câline, que je la rassure, qu’on s’endorme à deux, et que pour de bon le sommeil nous assassine. C’était l’optimisme d’une nuit parfaite, au cours de laquelle elle fermerait les yeux sur ses cauchemars, et oublierait la drôle d’anxiété qui ronge son sommeil. Je veux comprendre, et cerner le fond de ses yeux clos, lire sa tête, quand c’est mon tour de garde et que frappent les premières lueurs de l’aube. Les stores cassés ne filtrent déjà plus la lumière du jour, mais elle s’en fiche mystérieusement, et se rendort. On ne vit pas en même temps je crois, peu importe, car l’amour c’est peut-être le pouvoir de dormir paisiblement.
Ces petites choses qui veulent tout dire - Isée & Chloé
A toi, ma fidèle compagne,
Mon ombre indisciplinée,
Ombre grandissante et palpitante,
Complice de ma désolation,
Spectre provenant des abysses de mon âme,
Je te haïs.
Je te maudis pour ton amertume, ta rancœur.
Brasier intérieur indomptable
Dont les flammes s’élèvent avec ardeur,
Léchant cœur laissé en lambeaux,
Marqué du sceau de l’aigreur.
Je suis la gardienne de ce secret ténébreux
Que personne ne soupçonne.
Pourtant, tu résides dans ces petites choses,
Ces infimes moments de doutes
Qui disent tout de toi.
Derrière chaque plaie que j’effleure de mes doigts,
Je te sens frémir.
Tu tressailles dans le reflet du miroir,
Tu frissonnes de te faire trahir.
Seulement,
Tu es la seule à connaître mes affres.
Mon ombre, je te pardonne.
Tu es celle qui m’empêche de me perdre,
Dans les ruines de la folie,
Qui me retient de tomber,
Dans le fleuve du Léthé.
De la haine à l’amour,
Il n’y a qu’un pas,
Et je me résigne
A ne plus lutter contre toi.
L'Obsession - Faustine & Côme
Lettre à vous qui peuplez mes nuits.
Résonnent, résonneront les éclats de ta voix,
Qui teintent mes journées, sont tapis dans mes nuits.
Jamais tu n’m’abandonnes au cœur de l’insomnie,
Murmures tes paroles troublant mon aphasie.
Sommeil si léger tant qu’il n’est pour elle,
Est enfer turbulent si elle quitte la scène.
Seul lui peut soulager les hurlements d’l’hiver,
Qui glacent mes pensées là-bas derrière la mer.
Se consumera ainsi la mèche de la vie,
Des regards éperdus, nos mines abasourdies,
Et étreintes sans fins, remèdes aux soucis,
Brûlèrent en un instant sans une trace dans mon lit.
Le Baiser - Gaëtan & Léa
Je les regarde danser, tes lèvres
Muqueuse rouge et desséchée,
Vermillon gercé scintillant,
Écrin de ton souffle mentholé.
Et puis vient le moment,
Où les désirs sont récompensés,
Où les amants, las de prier,
Trouvent le salut dans l'étreinte écarlate
Qui préfigure l'indécence du baiser prolongé.
Dans un battement de papillon, éclosent les pétales
Flottant naïvement au vent de mon visage
Qui se relève pour embrasser
La tête penchée solennellement.
Chair contre chair, l'univers uni à nos lèvres,
Dans l'ivresse qui palpite sur la jointure
Où se rencontrent nos altérités enlacées,
Où se raconte l'avidité dans un murmure.
C'est à se demander qui de nous deux
Jubile le plus de ce moment sulfureux
Qui de nous deux, est l'embrassé et l'embrasseur
Dans ce souffle partagé où chacun s'accroche
À la recherche d'un peu de chaleur.
Les mains - Gaspard & Nicolas
Il est onze heures quarante. A travers les nuages de lundi luisent péniblement quelques rayons de soleil. Ces escarbilles de jour, éclats d’or et d’acier, viennent embraser ta blondeur ; de ton ombre chinoise arrachée aux cieux ne brillent que tes mains.
Elles volent, petites éternités, dans l’air que ton regard rend opaque. Leurs mouvements erratiques sont négligents, presque oublieux ; et tes doigts qui dansent sont autant de promesses tues.
Je me souviendrai que tu parlais. La lente atmosphère pulse lourdement, ressac des vers que tes lèvres avaient bus. N’existent que ces mains qui, sirènes graciles, flottent languissamment.
Je tends la mienne. Les plis minuscules qui font de moi qui je suis épousent un instant la maille de tes chairs ; et le silence qui retentit, larme d’éther dans une cathédrale, n’a d’égal que le tonnerre de tes paupières closes.
Les frissons - Anna & Agathe
La foule au pieu dort
Lui chasse sa poule aux œufs d’or
Sans lui demander son "non"
Le loubard s’approche de la belle Ninon
Rue déserte et pourtant Surpeuplée d’un unique passant
Eruption de panique et tremblement de chair
Un frisson d’effroi traverse le corps de la chère
Cœur dans les tempes
Elle avance mais lui campe
Et comme personne ne le flique
L’enfant de cœur devient roi de pique
Face à ses cris sourds il feint l’aveugle
Car le loup ne pense qu’à sa gueule
Alors que sonne l’heure du partir
Restera la douleur du souvenir
Le regard - Aurore & Lorène
Un jour en 3e, madame Solvège a demandé à la classe pourquoi les premières fois étaient si importantes. Premières fois, premiers souvenirs, premiers regards. Premier vélo, regard émerveillé face à l’engin rose à paillettes, cliché je vous l’accorde. Premier cours de danse, yeux écarquillés, regard attentif, attention à ne surtout pas se tromper, éviter à tout prix de perdre l’équilibre.
Premier deuil, premier vide. Premier regard fade. Première fois que je choisis d’éteindre mes yeux parce que je ne veux pas les rallumer pour faire plaisir. Un regard d’enfant c’est mignon quand ça vous arrange.
Première fois qu’un homme pose son regard sur moi, regard lubrique, regard dégueulasse, regard d’homme je ne veux plus y penser j’avais 10 ans. Première cuite, regard plein de larmes en y repensant, fou rire constant, instantané, souvenir heureux. Yeux rieurs en y repensant, merci à Charlotte et au whisky de son père.
Premières vacances entre potes, premier vomi technique, premiers pleurs de joie tellement c’est fou d’être aussi heureuse. C’en est limite flippant.
Un jour, on m’a dit que j’avais des yeux à tomber amoureux. Première fois, la vraie, tant attendue. Première désillusion aussi, la vraie, inattendue. Regard mi naïf, mi perplexe. Appréhender le regard de l’autre quand pour la première fois il le pose sur moi Regard bourré, regard déviant je fuis ma réalité autant que je lui souris bêtement.
Si le regard est le miroir de l’âme, je suis bipolaire Terrible menteuse, « ça se voit à ta tête quand tu mens » Mais pourtant, mon visage reste figé, poker face, mes cils sont immobiles. Le regard est vide pour celui qui veut y voir du vide, égoïste de sentiments. J’aime pas les fins. De voyages, d’amitié, d’amour, les conclusions de dissert. Je ne finirai pas ce texte, je préfère me dire que comme le regard il flotte et divague sans jamais vraiment se terminer
Le premier amour - Edith-Marie & U2π
Quand je pense à l’amour, je ne peux m’empêcher de penser à toi. Oui mon trésor, enfoui dans ma mémoire, tu me rappelles les précieux moments de notre toute première fois. Je suis tombé(e) sous ton charme quand tu m’as tendu ta main innocente. J’ai touché du doigt une sensation absente en te rencontrant, toi. J’ai découvert le plaisir de non pas trouver le bonheur mais d’être la source de ton éclosion. Les fleurs du mal seraient de t’oublier ; tu es le coquelicot qui pousse à mes côtés. Je me souviens du parfum vanillé de tes cheveux quand on se baladait sous les prés. Précipité par le son de ton rire quand on jouait ensemble. L’amour porte tes initiales, le bonheur porte ton visage et je porte en moi notre histoire, avide, cupide et effrénée. J’attache avec importance le premier d’amour, comme si le titre de ce dernier était marqué à l’encre rouge. Une promesse de jeunesse, gravée sur un arbre d’une après-midi ensoleillée vient illustrer l’addition de nos deux âmes destinées à s’aimer.
Le fantasme - Rose & Baptiste
Dans l'obscurité de la nuit,
Les phantasmes prennent vie,
Des images qui nous ensorcellent,
Et nous emportent dans leur monde irréel.
Des désirs enfouis au fond de nous,
Que l'on ose pas avouer à genoux,
Des rêves inassouvis qui nous hantent,
Et nous laissent dans un état de transe.
Le phantasme est un délice de l'esprit,
Un tourbillon de pensées qui nous saisit,
Un échappatoire à la réalité,
Une échappée belle vers la liberté.
Dans cet univers de fantasmes,
Tout est possible et rien n'est blasphème,
Les tabous sont brisés, les limites abolies,
Les désirs les plus fous sont accomplis.
C'est dans cet espace de l'imaginaire,
Que l'on peut être ce que l'on veut être,
Où les corps se mêlent sans retenue,
Et où les cœurs s'enflamment de feu.
Le phantasme est un monde fascinant,
Qui nous ouvre les portes de l'infini,
Un monde où tout est permis,
Mais où il faut garder la raison et l'esprit.
Le désir - Manon & Edelweiss
Les lumières dansaient autour de nous depuis des heures. La frénésie s’était invitée aux côtés de l’ivresse, et elles s’installaient main dans la main dans nos esprits. La musique était un bruit sombre et lourd qui résonnait dans mes tympans, et mes sens m’abandonnaient un à un, sauf un. mes yeux ne bougeaient plus, alors que mon corps pulsait au rythme saccadé des basses. Mon regard s’était figé, perdu dans la noirceur de ses pupilles. Elle était à l’autre bout de la pièce, enivrante et enivrée, et elle me regardait aussi. Nos yeux parlaient plus fort que la musique, et les murs de la pièce se refermaient sur nous, alors que nous avancions lentement l’une vers l’autre. Nous nous sommes regardées, au milieu de la piste de danse, et sans rien dire, nous avons souri. Nous savions que nous aurions des nuits entières pour nous découvrir, nous savions que nous ririons autour d’un thé le lendemain matin, mais à ce moment là, seule la nécessité de nous perdre l’une dans l’autre, seul le besoin irrespirable de mourir lentement l’une dans les bras de l’autre, seules l’une et l’autre, l’autre et l’une ne comptaient.
La Peau - Lilla & Paul
J’étais désemparé. Tout cela n’avait aucun rapport avec ce qui aurait dû arriver. Aucun. On m’avait dit, tout le monde le disait, qu’on découvre son corps comme on découvre un pays. Je croyais que, devant ce corps, là, dénudé de tout vêtement, j’allais pénétrer les mystères d’un territoire charnel, tout corporel, tout vivant. Mes mains auraient dû, tout le monde le disait, parcourir sa peau de long en large, explorant — caressant, palpant, pressant — les zones les plus cachées, s’immisçant dans les plus menus recoins. Mais non non non. J’étais là, honteux, à poil, quoique presque titubant planté comme un piquet, mes mains moites flanquées contre mon corps, contre ma peau à moi mais non non non c’est pas ça, c’est évident, c’est pas comme ça qu’on fait putain ! Le corps dénudé était recouvert de ma peur, ou de ma timidité. Sa peau était là devant, totale, impudique, offerte à ma rétine peureuse, mais je ne la voyais pas. C’était un pays lointain, fort lointain et enveloppé de brume. On dit que la peau est le plus grand organe du corps, qu’il mesure en moyenne 2m2. Je n’ai dû en visiter que 10cm à tout casser.
Duras rapporte dans La Douleur que les soldats sous les bombes soudain ont comme un 6e sens qui leur donne conscience de cette si fine enveloppe qu’est la peau. En rentrant chez moi, je la sentais bien, ma peau, encore marquée par la honte et par la douceur interminable de la sienne contre la mienne.
L'intime - Axelle & Marianne
le suintement sur mon parquet de ton pas aérien
ça résonne si fort dans mes tempes, dans ma poitrine
le flot de sang qui accourt dans mes veines me réchauffe
pourtant je suffoque
tu es si proche
puis le déluge
la déferlante de tes mains qui s’agrippent à ma chair, de tes yeux qui engouffrent mon corps
tu les soulèves un à un
ces tissus greffés à la rondeur de mes courbes
comme une armure illusoire
au regard de l’autre, à mon regard, au tien
jamais aussi vulnérable que devant lui
jamais aussi bien pourtant
c’est tellement mieux quand elle tombe
et je tombe avec
L'attente - Olga & Bianca
L’attente est universelle. C’est un état qui touche tous les êtres, tant humains qu’animaux. C’est un état qui a différentes formes dans le temps. L’attente peut être courte, longue ou même interminable, et il n’y aura que la personne qui l’a subie pour en évaluer la durée. Je suis dans le train, de retour à Paris. Le temps me paraît long, le voyage dur et j’ai envie de rentrer chez moi. Et ce voyage, qui durait le même temps à l’aller m’avait paru moins long. Pourquoi ? Il peut y avoir plein de causes à cela. Entre les enfants qui crient, le bruit environnant et le fait que je sois malade, tout rend mon trajet encore plus pénible. Peut être aussi que je suis nostalgique du temps qui passe, car je sais que les vacances sont déjà finies et que les partiels commencent demain. Alors mon temps se distend, se rallonge, peut être qu’inconsciemment il me paraît long car j’aimerais ne jamais revenir, et repousser le moment où je poserai le pied sur le quai à Paris. En fait, nous décidons de la teneur du temps qui nous est donné. Un trajet en train de 3h peut paraître interminable alors que 3h à s’amuser avec des amis peut sembler durer quelques minutes seulement. L’attente est aussi un élément qui a une fin, dont nous savons qu’elle va arriver. Parfois nous décidons de la repousser, parfois de l’avancer. Nous n’attendons pas uniquement le temps, mais aussi quelque chose, un objet physique, une personne, une situation. Plus nous la désirons, plus le temps passe longuement. Le temps d’attente augmente proportionnellement au désir d’une situation. A l’inverse, il chute totalement une fois la situation passée.
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Et c'est ainsi que s'achève cette histoire d'amour entre littérature et photographie. Pour retrouvez toutes les photos du vernissage, rendez-vous sur notre page instagram @lamadeleine_celsa. Vous y découvrez également toutes nos dernières exclusivités.
À bientôt pour de nouveaux projets ! On espère que l'année à venir serra de nouveau riche en partenariats et en collaborations artistiques !
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