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"A couper le souffle" : un grand bol de poésie fraîche pour le deuxième atelier d'Aux fourneaux !


Dans le sillage du défi d'Halloween, les référents de l'atelier d'écriture ont mitonné un petit plat aussi délicieux que diabolique. Pour thème, ils ont choisi "A couper le souffle", pour genre, "prose" (1000 caractères max, espaces non compris) et pour contrainte, "en une seule phrase". De quoi laisser aux amateurs de Proust l'occasion de faire montre de leur virtuosité syntaxique ; de quoi jouer avec le sens littéral et métaphorique du thème ; mais aussi de quoi faire réfléchir l'auteur à son rapport avec le lecteur qu'il imagine, et plus précisément, à la façon dont il lit son texte. Le.a lauréat.e de la Madeleine d'Or de la semaine a ainsi accompagné son oeuvre d'un véritable mode d'emploi !


Une fois de plus, les participants ont été nombreux à laisser leur imagination se plier aux exigences tordues d'Aux fourneaux ! Merci à eux ! Quant au résultat, nous vous laissons juger par vous-mêmes...





1/7 "Alexis danse", L.


La Madeleine d'Or de la semaine a été décernée par notre estimé jury au texte de L. Une course effrénée contre le temps qui passe, un jeu savant sur les sonorités, mais aussi une rencontre, apparemment anodine, avec quelqu'un qui pourrait être un reflet de nous-mêmes... Oh, j'allais oublier, voici la note de l'auteur.ice : "A lire à voix haute d’une traite, sans reprendre sa respiration."


"Alexis danse, il est pieds nus et en transe, il est seul, emporté, par son cœur chamboulé, puis il se laisse glisser au fond de la torpeur, il prend peur, il a peur, il panique à l’idée de manquer de candeur, cependant il regarde… regarde… regarde autour de lui et en devient hagard, étourdi, mais il rit… il rit… il rit parce qu’il danse et le ciel s’ouvre à lui, immense, le ciel l’appelle pour qu’il accorde à sa transe quelques dernières stances de bonheur alors Alexis se remet à danser et tournoie, se fourvoie, penche, tangue, alpague et drague, sa cage thoracique se balance au rythme de la nuit mystique alors qu’il respire de plus en plus vite, respire… respire… respire, vite ne pas s’arrêter par peur de paniquer, courir, danser, respirer, vivre ivre se dit Alexis - Alexis est un mythe, le mythe de l’inconnu qu’on croise dans la rue tout en dansant pieds nus, et si jamais vous le croisez, n’oubliez pas de lui proposer, ne serait-ce qu’un temps, de respirer."




2/7 Les Parques, Stergo Meidiao


La Madeleine d'Argent de la semaine est revenue au texte de Stergo Meidiao. Bouillonnement douloureux aux teintes noires et argentées, ce texte est un jeu sur trois sens possibles de "A couper le souffle" : les Parques coupant le fil de vie du protagoniste, le saisissement de ce dernier face à la femme aimée, et le jeu syntaxique pour moduler la respiration du lecteur.


"Tandis qu’elles tissaient et tressaient mon destin, penchées sur ma pelote comme des corbeaux sur un berceau, les Parques, prises d’une fièvre soudaine, attrapèrent, du bout crochu de leurs doigts maigres, celui, effiloché, du cordon de ma vie, et, sûrement animées d’une intention mauvaise, le mêlèrent, le nouèrent, le brodèrent avec le sien

– avec le sien, à elle, avec ces fibres obscures,

sans lune, sans fond, avec ces flammes de mercure

qui,

reflets enténébrés d’un esprit nitescent,

dansaient autour de moi comme autour d’un bûcher –,


entrelacèrent soudain les fils de nos existences, sans crier gare, sans égards pour ma poitrine palpitante ni pour la sienne, lointaine, si secrète, si douloureusement inaccessible ; et ces Parques maudites qui riaient et piaillaient, penchées sur ma pelote, corbeaux sur un berceau, qui raillaient ma respiration rendue saccadée par sa seule présence, ces Parques, ces cruelles Parques, un jour, la firent me sourire, me coupant le souffle – que n’étaient-ce leurs ciseaux !"




3/7 "Nos caméras", The bic lebrowsky


Sur la troisième marche du podium trône fièrement le texte de The bic lebrowsky. Inspiré autant par la contrainte que par le thème, l'auteur.ice nous livre un discours rapporté où éléments narratifs et meublage s'entrelacent savamment pour reproduire le flot de paroles ininterrompu d'un commentateur sportif - jusqu'à la chute... à couper le souffle.


"Nos caméras suivent cette fabuleuse course d’une éprouvante distance de 6 kilomètres depuis les premières foulées, et pourtant jamais le suspens ne nous avait à ce point pris à la gor… Regardez le coureur numéro 10 a de nouveau surgit au travers du premier rang, il semble avoir un troisième poumon après une heure de course : il accélère et prend les premières places comme s’il pouvait faire ça pendant 1 heure de plus, mais holalaLALALA, je le vois doubler le premier, c’est incroyable ce à quoi nous sommes en train d’assister, car on peut voir la foule retenir son souffle, les cris s’arrêtent, on retient nous aussi notre souffle face à ce « jamais vu » dans l’histoire de cette course : aucun coureur n’avait rattrapé un tel retard sur les dernières minutes, secondes mêmes, de cette course effrénée pour la gloire car je le rappelle ce sont des coureurs bénévoles ; motivés par un prix de 700 euros et un week-end à Toulouse, on en rêverait, mais moi qui aie du mal à monter les 3 étages de mon imm...ais, ce n'est pas la question ; notre numéro 10 passe la ligne d’arrivée, tout le monde l’acclame, mais attendez, il s’est écroulé sur le sol d’un coup ; comme si cette course lui avait coupé le souffle."




4/7 "Du haut de la montagne", Camille Léon


L'auteur.ice se fait Voyageur devant la mer de nuages pour nous livrer, l'espace d'une phrase délicieusement maîtrisée, un paysage idyllique où le manque d'oxygène n'entache en rien la vivacité des couleurs. Un enchâssement délicat de propositions subordonnées qui s'achève non pas sur une expiration, mais sur une inspiration.


"Du haut de la montagne, l'horizon s'étendait à perte de vue, se perdait dans les nuages et les brumes du ciel qui brouillaient les frontières entre terre et stratosphère, entre tangible et indicible, qui effaçaient les sommets enneigés perdus dans le brouillard merveilleux orchestré par une nature divine qui donnait dans les coeurs une sensation d'absolu tandis que lui, petit alpiniste, bien petit face à l'horizon qui s'échappait en haut des montagnes, respira, enfin."




5/7 "Je sais que je ne ronfle pas", WELL


Sur le modèle du stream of consciousness, l'auteur.ice livre sans pudeur aucune les détails triviaux du rituel du soir de son personnage. Un contrepied étonnant et rafraîchissant aux autres textes, souvent sérieux, qui nous rappelle que la beauté se loge jusque dans le quotidien.


"Je sais que je ne ronfle pas mais que je fais des phrases complètes lorsque je dors, il m’arrive aussi de me tartiner les lèvres de baume avant de dormir car j’ai toujours les lèvres très sèches, j’en profite également pour boire un grand coup avant de dormir ; en général comme je ne m’endors pas tout de suite, cela me donne matière à aller aux toilettes parce que je possède une vessie équivalente à un dès à coudre - version miniature - et, sachant que je tergiverse de longues minutes entre l’envie d’aller aux chiottes et celle, tentatrice, de rester engoncé dans mon matelas, il peut se passer un certain temps avant que je m’y dirige, mais cette fois-ci j’ai eu le courage de me lever sans trop réfléchir alors je parcourt le couloir jusqu’aux sanitaires, les yeux à moitié fermés pour ne pas perdre mon sommeil, du coup je me cogne contre un meuble et étouffe un cri pour ne pas les réveiller, je continue à avancer et finalement m’assoie sur la cuvette et me réveille car c’était un rêve.




6/7 "Sans honneur", Le dragon d'Aux fourneaux !


Le plus concis des textes de cette semaine se contemple presque plus qu'il ne se lit. Le dragon d'Aux fourneaux !, dans ce qui ressemble à un élan autobiographique, peint en quelques mots bien sentis le tableau d'une panne. Panne d'inspiration, à l'en croire ? A le lire, on ne dirait pas.


Sans honneur que je pratique de par ma naissance, jusqu’à ma mort imminente ; je suis nez à nez, face à mes ennemis de toujours brandissant leurs plumes, qui par dépit ne me laisse le temps de souffler qu’une lettre, cette lettre : « [le vide] » – la panne, la peur et aucune flamme n’en sort.




7/7 "Lasse, éreintée", Winter Butterfly


Le dernier texte de cette semaine n'en est pas le moindre ! L'auteur.ice joue avec l'altitude pour nous emporter dans une véritable montagne russe d'émotions. Des sommets aux abysses, de la rudesse de la pierre à la fluidité de l'océan, ce texte rond et riche exalte l'âme autant qu'il ravit le coeur.


"Lasse, éreintée, les jambes tremblantes et le dos courbé, elle arriva au sommet, aussi proche du soleil que l’aigle royal, aussi petite qu’une étoile dans une nuit argentée; elle voulut crier et se laisser tomber, emportée par la marée furieuse qui somnolait à ses pieds mais son cœur était si gonflé d’espoir que ses yeux se perdirent dans l’horizon infini dont l’immensité fit vibrer les cordes de tristesse de son âme et lui donna la clef pour s’envoler."




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Comment, c'est déjà fini ? Juste au moment où on prenait le rythme ! Nos participants, remarquables cette semaine comme à leur habitude, ont su rivaliser d'ingéniosité et de virtuosité pour se plier à une contrainte particulièrement capricieuse. Bravo à eux !


Nous espérons que la course vous a plu... Qui sait, peut-être êtes-vous hors d'haleine ? Si c'est le cas, ne vous inquiétez pas : vous avez l'occasion de trouver un second souffle toutes les semaines dans les stories de notre compte Instagram @lamadeleinecelsa !

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