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Meilleur récit Point 2025 : quelques critiques de nos membres

En partenariat avec les éditions Point, les étudiants du CELSA distingueront cette année encore un titre parmi les six en lice. En attendant le résultat final et pour accompagner cette aventure de lecture, voici quelques avis de nos membres concernant les trois premiers ouvrages de la sélection : La mythomane du Bataclan d'Alexandre Kauffman, Tout garder de Carole Allamand, et Atteindre l'Aube de Diglee, sur lesquels un premier bookclub s'est tenu le 13 mars dernier.






La mythomane du Bataclan, Alexandre Kauffmann 






Léa Rault : Positif (une enquête bien menée sur une histoire qu’on a peine à croire)


13 novembre 2015, une attaque armée terroriste survient dans l’une des salles de concert de rock parisienne les plus mythiques : le Bataclan. Ces attentats suscitent la peur et l’angoisse dans l’esprit de nombreux français.e.s et installent un climat post-traumatique relayé par les médias et la télévision. Dans ce contexte, les victimes du concert des « Eagles of Death » fuient l’isolement et commencent à se réunir pour se soutenir dans ces épreuves difficiles, en créant notamment un groupe Facebook d’entraide.

Fait incongru, la souffrance de ces individus et la promesse d’être écouté·e et aidé·e par autrui, attire quelques « imposteur·ses » qui tentent de se faire passer eux aussi pour des victimes. Parmi eux, une certaine « Flo Kitty » se présente comme la meilleure amie de « Greg », une des victimes blessées par les attaques, actuellement à l’hôpital. Sauf que « Greg » n’est ni son ami, ni l’une des victimes. Le journaliste Alexandre Kauffmann mène l’enquête sur cette imposture dévoilée des années seulement après les faits et tente de comprendre les motifs de cette femme.


Une incompréhension a traversé ma lecture du début à la fin : comment quelqu’un peut-il faire ça ? Dès le départ, les faits sont donnés. Imposture, escroquerie, mensonges, abus de confiance… La question qui m’obsède alors, c’est comment on peut en arriver là.  Tout cela peut-il être le fruit d’un engrenage pervers causé par un premier petit mensonge qui en aurait entraîné d’autres toujours plus importants sans retour en arrière possible ? Faut-il être complètement  fou pour agir de la sorte ? Alexandre Kauffmann soulage notre curiosité. Il cherche avec précision, s’infiltre dans les réseaux sociaux de « Flo Kity » et décortique les faits pour retracer le fil sous la forme d’un documentaire si plein de rebondissements que je ne suis pas étonné que l’histoire ait été adaptée en série télévisée !


En fermant la dernière page du livre, pourtant, les réponses n’apparaissent pas avec évidence. Alexandre Kauffman ne conclue pas de manière tranchée. Cependant, son ton neutre n’empêche pas une prise de position de sa part dès le choix du titre. En identifiant Florana comme « la Mythomane du Bataclan », le journaliste assigne un caractère pathologique à ses actions. Or, les bilans psychiatriques sont équivoques et ne tranchent pas sur la responsabilité cognitive totale de ses actes. Le trouble persiste. Si la folie n’est pas une excuse suffisante, pourquoi agir ainsi en pleine capacité de ses moyens ? Les raisons, à défaut d'excuser, peuvent-elles expliquer les actes ? Au fur et à mesure de la lecture, on se rend compte que c’est tout l’univers de Florana qui se construit sur des mensonges et la déformation de la réalité qu’elle tord pour la faire coller à sa vision fantasmée d’une vie qu’elle aurait aimé vivre. On réalise alors l’importance de ce mot : victime. Car si les victimes d’attaques terroristes rechignent généralement à porter l’étiquette, Florana, elle, construit toute son existence autour de ce statut. Victime de la vie, victime du rejet des autres, victime de sa maladie… Sa propre souffrance se mêle à celles des survivants et elle trouve dans l’aide qu’elle apporte un sens à sa propre existence. C’est dans le malheur général qu’elle s'épanouit. Un portrait cynique et un récit captivant qui fait froid dans le dos tant les situations sont toutes retournées par Florana à son avantage jusqu’à la chute finale où la vérité éclate finalement dans une descente vertigineuse. 



Margot Mac Elhone : génial


Haletant, c’est le mot qui me vient en premier lieu pour décrire ma lecture de La mythomane du Bataclan.

Entre posts Facebook, conversations prises à la volée et flash-back, cette enquête journalistique m’a plongée dans une histoire dont je connaissais seulement les grandes lignes : au lendemain des attentats du Bataclan, une femme aux multiples visages se fait passer pour une rescapée de l’incident et devient présidente de l’association « Life for Paris ». Florence, Florana, Flo Kitty, qui est-elle ? Tandis que l’enquête nous montre peu à peu l’évidence de son imposture, la « glameuse » s’accroche à cette communauté qui lui offre le réconfort qu’elle recherche, si crédible dans son rôle que son récit n’est pas soupçonné d’être fabriqué de toute part. Dossiers d’enquête, doubles Facebook, témoignages de victimes : Alexandre Kauffmann n’a négligé aucune piste pour aborder un personnage complexe s’étant accaparé une histoire dramatique, sans rien cacher de l’émotion de véritables victimes en découvrant le subterfuge. On en ressort interloqué, d’autant plus en sachant que cette histoire romanesque est pourtant bien réelle. 




Tout garder, Carole Allamand





Margot Mac Elhone : mitigé 


« Mon ignorance à l’endroit de la mort est totale », avoue Carole Allamand  à la découverte du décès de sa mère. Mais ses connaissances à l’égard de la défunte ne semblent guère plus avancées : entre ignorance et signes de mépris, Carole revient sur une relation qui n’a rien d’une idylle familiale. Une seule certitude, Nelly était ce qu’elle appelle une “gardeuse” : à la découverte de son logement qu’elle doit vider de fond en comble, elle découvre des couches d’objets, dérisoires et en tous genres, entre journaux, cadeaux toujours intacts et cafetières s’étant accumulées au fil des années. On s’embourbe avec Carole dans tous ces objets sans valeur, sans vraiment trouver de sens au récit : où va-t-on, pour quoi faire ?

Il est vrai qu’il est difficile de rendre le syndrome d’Œudipe très glamour : l’accumulation maladive n’est pas simple à vivre pour la personne concernée comme par son entourage. Mais cela donne, de mon point de vue, des premières pages se parcourant un peu à la manière d’un catalogue. En s’enfonçant dans ces piles de camelotes, arrivent cependant des sujets plus humains, historiques et relationnels. C’est parmi tous ces objets qu’à vécu Nelly, ils racontent donc son histoire à rebours, invitant la narratrice à se souvenir : les accès de colère de son père dont souffrait sa mère, les injonctions auxquelles elle fut soumise au nom des clichés misogynes de son époque, son amour de jeunesse, les rares moments que la mère et la fille ont pu partager à deux… un livre dans lequel j’ai eu du mal à rentrer, mais qui trouve son intérêt au fil de la lecture. 




Atteindre l’Aube, Diglee





Marie-Sarah Quemere : génialissime


Il est des romans qui happent, qui vous enveloppent d’une douceur mélancolique et ne vous laissent plus repartir. Atteindre l’aube de Diglee est de ceux-là. J’ai littéralement dévoré ce livre d’un seul souffle, emporté par la plume délicate et lumineuse de l’autrice, par cette exploration du deuil et de la mémoire féminine qui résonne avec une rare intensité.

Le roman tisse un fil entre les générations, une quête à tâtons pour reconstituer des vies, des fragments d’histoires de femmes, comme des éclats épars que l’héroïne tente d’assembler : « J’arpente le passé comme on traverse une maison en ruine, cherchant les murs encore solides, ceux qui tiendront quand tout le reste s’effondre. ». C’est un récit où l’absence est aussi palpable que la présence, où les silences résonnent autant que les mots. La figure de la grand-tante disparue, insaisissable, parfois mensongère, hante les pages, et le besoin d’en comprendre les mystères se fait déchirant. Diglee parvient à saisir cette douleur sans jamais sombrer dans le pathos, avec une justesse qui serre la gorge.


La beauté du roman réside dans cette façon de faire dialoguer les époques, de redonner voix à celles qui se sont tues trop tôt. À travers une prose poétique et ciselée, Diglee nous rappelle combien l’héritage familial, surtout lorsqu’il est féminin, est fait de blessures invisibles, de désirs étouffés, mais aussi d’amour transmis en filigrane.


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