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lamadeleinecelsa

The light years

Dernière mise à jour : 3 nov. 2023


Tu es un lecteur avare de fiction et tu ne crains pas les pavés ?

Tu es fan de littérature britannique et particulièrement de Downton Abbey ?

Tu es amoureux de la culture et de l’accent anglais ?

Alors bienvenue !



Il me paraît toutefois judicieux de préciser qu’il n’est pas nécessaire de cocher toutes ces cases pour lire et être conquis par la Saga des Cazalet, loin de là. Il vous suffit d’aimer lire, d’aimer l’histoire et d’aimer l’Angleterre et sa culture un tantinet old school !


Étés anglais : La saga des Cazalet est le premier chapitre d’une saga de cinq tomes. Il brosse le portrait d’une famille britannique bourgeoise du milieu du XXème siècle. L’autrice, Elizabeth Jane Howard, s’est inspirée de ses propres souvenirs d’enfance, ce qui rend savoureux les plus petits détails et donne tout son réalisme à l’histoire. Publié en 1980 en Angleterre, le succès fut retentissant, inspirant même quelques décennies plus tard la série à succès Downton Abbey. En France, il faudra attendre 2020 pour que la traduction du tome 1 « Étés anglais - la saga des Cazalet » soit publiée aux éditions de La Table Ronde.


L’histoire débute en 1937 et nous plonge dans une atmosphère familiale riche de personnages. Pas de panique, l’auteur a eu la bonne idée de glisser un arbre généalogique au début du roman. La première partie du livre se consacre à la présentation des personnages, du décor, de l’époque, telle une scène d’exposition d’une centaine de pages qui laisse tout le temps au lecteur de se repérer dans la vaste fresque des Cazalet.


Nous zigzaguons entre les personnages, passant du point de vue de Rupert à celui de sa sœur Rachel, du duc Cazalet à la duchesse, sans oublier les belles-sœurs, les petits enfants et les domestiques. S’il vous arrive d’être frustré par ces schémas narratifs qui passent d’un personnage à l’autre, vous laissant dans l’attente durant une centaine de pages, vous poussant même, parfois, à sauter dix chapitres pour poursuivre l’histoire de votre personnage préféré, ne vous inquiétez pas. Le roman est écrit de façon à ce que nous nous intéressions à chaque personnage sans être frustré de quitter l’inquiet mais attachant Hugh au profit de son exécrable frère, Edward, ce qui est, à mon humble avis, la marque d’un grand roman.


En 575 pages, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer. Le roman est un gigantesque patchwork de sujets divers et variés qui finissent toujours par se recouper. La saga des Cazalet mêle : Histoire, celle de la société anglaise à la veille de la seconde Guerre Mondiale ; amour, sincère, caché, raté ou perdu ; hiérarchie entre famille et domestiques ; questionnement, sur l’éducation, la place des femmes, la violence des humains.


Je souhaiterais m’arrêter un instant sur l’importance donnée à la période historique. L’histoire commence en 1937 et prend fin en 1939, ce qui permet au lecteur de suivre, à travers les yeux des personnages, la montée du nazisme en Europe, la stupeur que fut l’annexion de l’Autriche pour une population en déni, la gestion de la crise politique par le premier ministre britannique Chamberlain et l’inquiétude grandissante de la population. Mais la Seconde Guerre mondiale a déjà été traitée à maintes reprises dans la littérature. Elizabeth Jane Howard se distingue de ses prédécesseurs dans sa façon d’aborder la question juive. Candidement, ou orgueilleusement, nous avons tendance à oublier que la montée au pouvoir d’Hitler – et son maintien – a été rendue possible parce que l’Europe nourrissait déjà un antisémitisme fort depuis près d’un siècle. Et non, les Anglais n’étaient pas tous des Justes. C’est ce que nous dévoile l’autrice lorsqu’elle laisse percevoir les propos antisémites de certains personnages. Des propos généralistes à l’encontre de tout le peuple Juif, ou des propos plus spécifiques à l’encontre de Sid, amie intime de la famille :

« C’est intéressant non ? Tous les gens que nous avons cités sont Juifs ! Il faut leur accorder cela. A ce moment-là elle regarda Sid en rougissant un peu. « Chère Sid, j’espère que vous… » Et Sid, malheureusement habituée à ce manteau d’antisémitisme qui semblait envelopper les Anglais, répondit avec la bonne humeur consommée qu’il lui avait fallu cultiver depuis l’enfance. »


Le lecteur est ramené à la réalité de l’époque et à l’éternelle question : si j’étais né en 39 à Londres, Paris, Berlin, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ? Les hommes semblent les plus enclins à aborder les sujets politiques et polémiques. Les frères Hugh, Edward et Rupert se retrouvent régulièrement autour d’un verre pour discuter de l’évolution de la situation géopolitique. Mais leur inquiétude sort rapidement de la sphère fraternelle et l’appréhension d’une guerre future gagne bientôt tous les esprits et particulièrement celui des plus jeunes. Il ne s’agit plus d’un simple débat entre adultes, il s’agit à présent d’une question politique qui s’immisce dans l’éducation. Que dire à la jeune Polly, douze ans, terrorisée à l’idée d’une invasion ? Ou au petit Christopher, qui construit en secret un bunker dans la forêt ? Comment aider les plus jeunes à comprendre et appréhender les heures sombres qui s’annoncent alors même que vous n’avez aucune idée de ce qui va arriver ?


Ne vous méprenez pas, Étés anglais - la saga des Cazalet n’est pas un roman triste, sanglant et belliqueux. A vrai dire, c’est plutôt tout l’inverse. Le titre original est The Light Years, ce qui me semble plus évocateur puisqu’il souligne le bonheur et l’insouciance des années d’avant-guerre. Ainsi, ce qui prédomine dans cet ouvrage ce n’est pas la grande Histoire mais plutôt la petite histoire, celle des Cazalet. L’accent est mis sur le lien familial : la proximité des cousins, la joie de se retrouver pour l’été dans la grande maison familiale loin de la ville, les confessions et les secrets de belle-sœur à belle-sœur, l’arrivée des plus jeunes à la table des adultes, les jeux dans le jardin, les escapades à Londres et le retour à la campagne, l’importance de profiter de ses grands-parents et de ses parents… La guerre et la politique ne sont que la toile de fond de la vie familiale, bien qu’elles pèsent de plus en plus au fil de l’histoire sur les décisions des personnages. Les relations entre les personnages révèlent les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes comme les hommes à cette époque. Il y a quatre-vingts ans, l’homosexualité n’était pas acceptée, elle n’était même pas tolérée ; les mariages arrangés servaient d’excuse aux liaisons multiples ; la place des femmes était loin d’être acquise en public comme en privé - en témoigne les épisodes incestueux et les violences sexuelles ; l’éducation des filles se faisait à la maison et celles des garçons en pension ; les hommes s’inquiétaient du politique et les femmes de leur situation matrimoniale.


Finalement, la Saga des Cazalet nous dépeint un monde où la différence de genre, d’origine, de religion dicte la loi de la société, voire même la politique de l’Europe. Si l’histoire se déroule dans les années 1940, elle n’en aborde pas moins des thèmes encore lourds d’actualité. Malgré quatre-vingts années d’écart avec notre temps, cette fiction questionne notre rapport au genre, à l’acceptation des autres et de nos différences. Elle pose la question de ce qu’est une bonne éducation, souligne l’importance de la parole et de la discussion et enfin, pose la question de la guerre.



Était-ce vraiment mieux avant ?


Isaure

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